LE TRENTAIN GRÉGORIEN

Le trentain grégorien, comme son nom l’indique, remonte au pape saint Grégoire le Grand, à la fin du sixième siècle. Avant d'être élu pape, il était Abbé de l'Abbaye de Saint André, à Rome. Or, alors que mourut l’un de ses moines, appelé Justus, on trouva dans sa cellule une grande quantité de pièces d'or, ce qui prouva que ce moine avait accumulé un trésor, à l’encontre de ses vœux de pauvreté. Évidemment, le Père Abbé voulut lui infliger une punition appropriée. Il fit donc jeter son cadavre, avec les pièces d'or, à la décharge publique. Chaque moine vint même prononcer sur le corps une malédiction : « Que ton argent aille avec toi à la perdition. » (Actes VIII, 20).

Cependant, la miséricorde l'emporta ultimement dans le coeur de l'Abbé, qui finit par faire célébrer la messe pendant trente jours pour la délivrance du malheureux. Et au terme du trentain, le moine Justus apparut à l'un de ses frères et lui annonça qu'il était délivré du purgatoire, grâce à ces messes. C’est donc à cette origine quelque peu légendaire que la tradition fait remonter la pratique du trentain grégorien.

Il est aujourd’hui constitué par trente messes qui doivent être célébrées trente jours consécutifs, bien qu’il ne soit pas nécessaire qu'elles le soient toutes par le même prêtre qui peut en être incapable, pour cause de maladie, par exemple. Chaque matin, il convoque le défunt pour le soutenir sur son chemin de libération en célébrant le saint sacrifice de la messe. Précisons que les trente messes résument à elles seules l’ensemble du cycle liturgique annuel. Ainsi, chaque célébration permet d’accompagner le défunt à un niveau spirituel bien précis, de telle sorte qu’il reçoit au cours de ces trente jours les bénédictions et les enseignements d’un cycle annuel tout entier.

Ajoutons que le nombre 30 est ici fort intéressant, puisqu’il correspond, dans la tradition judéo-chrétienne, à la lettre « lamed », une lettre dont la valeur numérologique (la guématrie) est de 30. Or cette lettre est issue d’un ancien idéogramme représentant un aiguillon dont les anciens se servaient pour faire avancer les bœufs. Aussi, elle incarne l’idée de se mettre en mouvement, en chemin. Le « lamed » est d’ailleurs utilisé en hébreu comme une lettre-outil qui indique un mouvement vers quelque chose. Dans cette perspective, ces trente jours sont bien évidemment consacrés au chemin de la libération qui conduit le défunt, ainsi accompagné, vers la lumière.

Voici la liste de ces trente messes, telles qu’on les retrouve déjà dans le missel romain, avant l’édition de saint Pie V :